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Jean
de La Fontaine (1621 1694)
Biographie par Charles Perrault.
Monsieur de La Fontaine naquit à Château-Thierry en l'année
1621. Son père, maître des Eaux et Forêts de ce duché,
le revêtit de sa charge dès qu'il fut capable de l'exercer,
mais il y trouva si peu de goût, qu'il n'en fit la fonction, pendant
plus de vingt années, que par complaisance. Il est vrai que son
père eut pleine satisfaction sur une autre chose qu'il exigea de
lui, qui fut qu'il s'appliquât à la poésie, car son
fils y réussit au-delà de |
ce
qu'il pouvait souhaiter. Quoique ce bonhomme n'y connût presque
rien, il ne laissait pas de l'aimer passionnément, et il eut une
joie incroyable, lorsqu'il vit les premiers vers que son fils composa.Ces
vers se ressentaient comme la plupart de ceux qu'il a faits depuis, de
la lecture de Rabelais et de Marot, qu'il aimait et qu'il estimait infiniment.
Le talent merveilleux que la nature lui donna, n'a pas été
inférieur à celui de ces deux auteurs, et lui a fait produire
des ouvrages d'un agrément incomparable. Il s'y rencontre une simplicité
ingénieuse, une naïveté spirituelle, et une plaisanterie
originale qui, n'ayant jamais rien de froid, cause une surprise toujours
nouvelle. Ces qualités si délicates, si faciles à
dégénérer en mal et à faire un effet tout
contraire à celui que l'auteur en attend, ont plu à tout
le monde, aux sérieux, aux enjoués, aux cavaliers, aux dames
et aux vieillards, de même qu'aux enfants.
(...)
Son plus bel ouvrage et qui vivra éternellement, c'est son recueil
des fables d'Esope qu'il a traduites ou paraphrasées. Il a joint
au bon sens d'Esope des ornements de son invention si convenables, si
judicieux et si réjouissants en même temps, qu'il est malaisé
de faire une lecture plus utile et plus agréable tout ensemble.
Il n'inventait pas les fables, mais il les choisissait bien, et les rendait
presque toujours meilleures qu'elles n'étaient. Ses Contes qui
sont la plupart de petites nouvelles en vers sont de la même force,
et l'on ne pourrait en faire trop d'estime s'il n'y entrait point presque
partout trop de licence contre la pureté ; les images de l'amour
y sont si vives qu'il y a peu de lectures plus dangereuses pour la jeunesse,
quoique personne n'ait jamais parlé plus honnêtement des
choses déshonnêtes. J'aurais voulu pouvoir dissimuler cette
circonstance, mais cette faute a été trop publique et le
repentir qu'il en a fait paraître pendant les deux ou trois dernières
années de sa vie a été trop sincère pour n'en
rien dire.
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