Quand j'étais
enfant, ma chère Aurore, j'étais très tourmentée
de ne pouvoir saisir ce que les fleurs se disaient entre elles. Mon
professeur de botanique m'assurait qu'elles ne disaient rien ; soit
qu'il fût sourd, soit qu'il ne voulût pas me dire la vérité,
il jurait qu'elles ne disaient rien du tout.
Je savais bien le contraire. Je les entendais babiller confusément,
surtout à la rosée du soir ; mais elles parlaient trop
bas pour que je pusse distinguer leurs paroles ; et puis elles étaient
méfiantes, et, quand je passais près des plates-bandes
du jardin ou sur le sentier du pré, elles s'avertissaient par
une espèce de psitt, qui courait de l'une à l'autre. C'était
comme si l'on eût dit sur toute la ligne : " Attention, taisons-nous
! voilà l'enfant curieux qui nous écoute ".
Je m'y obstinai. Je m'exerçai à marcher si doucement,
sans frôler le plus petit brin d'herbe, qu'elles ne m'entendirent
plus et que je pus m'avancer tout près, tout près ; alors,
en me baissant sous l'ombre des arbres pour qu'elles ne vissent pas
la mienne, je saisis enfin des paroles articulées.
Il fallait beaucoup d'attention ; c'était de si petites voix,
si douces, si fines, que la moindre brise les emportait et que le bourdonnement
des sphinx et des noctuelles les couvrait absolument.
Je ne sais pas quelle langue elles parlaient. Ce n'était ni le
français, ni le latin qu'on m'apprenait alors ; mais il se trouva
que je comprenais fort bien. Il me sembla même que je comprenais
mieux ce langage que tout ce que j'avais entendu jusqu'alors.
Un soir, je réussis à me coucher sur le sable et à
ne plus rien perdre de ce qui se disait auprès de moi dans un
coin bien abrité du parterre. Comme tout le monde parlait dans
tout le jardin, il ne fallait pas s'amuser à vouloir surprendre
plus d'un secret en une fois. Je me tins donc là bien tranquille,
et voici ce que j'entendis dans les coquelicots :
Mesdames et messieurs, il est temps d'en finir avec cette platitude.
Toutes les plantes sont également nobles ; notre famille ne le
cède à aucune autre, et, accepte qui voudra la royauté
de la rose, je déclare que j'en ai assez et que je ne reconnais
à personne le droit de se dire mieux né et plus titré
que moi.
A quoi les marguerites répondirent toutes ensemble que l'orateur
coquelicot avait raison. Une d'elles, qui était plus grande que
les autres et fort belle, demanda la parole et dit :
Je n'ai jamais compris les grands airs que prend la famille des
roses. En quoi, je vous le demande, une rose est-elle plus jolie et
mieux faite que moi ? La nature et l'art se sont entendus pour multiplier
le nombre de nos pétales et l'éclat de nos couleurs. Nous
sommes même beaucoup plus riches, car la plus belle rose n'a guère
plus de deux cents pétales et nous en avons jusqu'à cinq
cents. Quant aux couleurs, nous avons le violet et presque le bleu pur
que la rose ne trouvera jamais.
Moi, dit un grand pied d'alouette vivace, moi le prince Delphinium,
j'ai l'azur des cieux dans ma corolle, et mes nombreux parents ont toutes
les nuances du rose. La prétendue reine des fleurs a donc beaucoup
à nous envier, et, quant à son parfum si vanté...
Ne parlez pas de cela, reprit vivement le coquelicot. Les hâbleries
du parfum me portent sur les nerfs. Qu'est-ce, je vous prie, que le
parfum ? Une convention établie par les jardiniers et les papillons.
Moi, je trouve que la rose sent mauvais et que c'est moi qui embaume.
Nous ne sentons rien, dit la marguerite, et je crois que par
là nous faisons preuve de tenue et de bon goût. Les odeurs
sont des indiscrétions ou des vanteries. Une plante qui se respecte
ne s'annonce point par des émanations. Sa beauté doit
lui suffire.
Je ne suis pas de votre avis, s'écria un gros pavot qui
sentait très fort. Les odeurs annoncent l'esprit et la santé.
Les rires couvrirent la voix du gros pavot. Les oeillets s'en tenaient
les côtes et les résédas se pâmaient. Mais,
au lieu de se fâcher, il se remit à critiquer la forme
et la couleur de la rose qui ne pouvait répondre ; tous les rosiers
venaient d'être taillés et les pousses remontantes n'avaient
encore que de petits boutons bien serrés dans leurs langes verts.
Une pensée fort richement vêtue critiqua amèrement
les fleurs doubles, et, comme celles-ci étaient en majorité
dans le parterre, on commença à se fâcher. Mais
il y avait tant de jalousie contre la rose, qu'on se réconcilia
pour la railler et la dénigrer. La pensée eut même
du succès quand elle compara la rose à un gros chou pommé,
donnant la préférence à celui-ci à cause
de sa taille et de son utilité. Les sottises que j'entendais
m'exaspérèrent et, tout à coup, parlant leur langue
:
Taisez-vous, m'écriai-je en donnant un coup de pied à
ces sottes fleurs. Vous ne dites rien qui vaille. Moi qui m'imaginais
entendre ici des merveilles de poésie, quelle déception
vous me causez avec vos rivalités, vos vanités et votre
basse envie !
Il se fit un profond silence et je sortis du parterre.
Voyons donc, me disais-je, si les plantes rustiques ont plus
de bon sens que ces péronnelles cultivées, qui en recevant
de nous une beauté d'emprunt, semblent avoir pris nos préjugés
et nos travers.
Je me glissai dans l'ombre de la haie touffue, me dirigeant vers la
prairie ; je voulais savoir si les spirées qu'on appelle reine
des prés avaient aussi de l'orgueil et de l'envie. Mais je m'arrêtai
auprès d'un grand églantier dont toutes les fleurs parlaient
ensemble.
Tâchons de savoir, pensai-je, si la rose sauvage dénigre
la rose à cent feuilles et méprise la rose pompon.
Il faut vous dire que, dans mon enfance, on n'avait pas créé
toutes ces variétés de roses que les jardiniers savants
ont réussi à produire depuis, par la greffe et les semis.
La nature n'en était pas plus pauvre pour cela. Nos buissons
étaient remplis de variétés nombreuses de roses
à l'état rustique : la canina, ainsi nommée parce
qu'on la croyait un remède contre la morsure des chiens enragés
; la rose canelle, la musquée, la rubiginosa ou rouillée,
qui est une des plus jolies ; la rose pimprenelle, la tomentosa ou cotonneuse,
la rose alpine, etc., etc. Puis, dans les jardins nous avions des espèces
charmantes à peu près perdues aujourd'hui, une panachée
rouge et blanc qui n'était pas très fournie en pétales,
mais qui montrait sa couronne d'étamines d'un beau jaune vif
et qui avait le parfum de la bergamotte. Elle était rustique
au possible, ne craignant ni les étés secs ni les hivers
rudes ; la rose pompon, grand et petit modèle, qui est devenue
excessivement rare ; la petite rose de mai, la plus précoce et
peut-être la plus parfumée de toutes, qu'on demanderait
en vain aujourd'hui dans le commerce, la rose de Damas ou de Provins
que nous savions utiliser et qu'on est obligé, à présent,
de demander au midi de la France ; enfin, la rose à cent feuilles
ou, pour mieux dire, à cent pétales, dont la patrie est
inconnue et que l'on attribue généralement à la
culture.
C'est cette rose centifolia qui était alors, pour moi comme pour
tout le monde, l'idéal de la rose, et je n'étais pas persuadée,
comme l'était mon précepteur, qu'elle fût un monstre
dû à la science des jardiniers. Je lisais dans mes poètes
que la rose était de toute antiquité le type de la beauté
et du parfum. A coup sûr, ils ne connaissaient pas nos roses thé
qui ne sentent plus la rose, et toutes ces variétés charmantes
qui, de nos jours, ont diversifié à l'infini, mais en
l'altérant essentiellement, le vrai type de la rose. On m'enseignait
alors la botanique. Je n'y mordais qu'à ma façon. J'avais
l'odorat fin et je voulais que le parfum fût un des caractères
essentiels de la plante ; mon professeur, qui prenait du tabac, ne m'accordait
pas ce critérium de classification. Il ne sentait plus que le
tabac, et, quand il flairait une autre plante, il lui communiquait des
propriétés sternutatoires tout à fait avilissantes.
J'écoutai donc de toutes mes oreilles ce que disaient les églantiers
au-dessus de ma tête, car, dès les premiers mots que je
pus saisir, je vis qu'ils parlaient des origines de la rose.
Reste ici, doux zéphyr, disaient-ils, nous sommes fleuris.
Les belles roses du parterre dorment encore dans leurs boutons verts.
Vois, nous sommes fraîches et riantes, et, si tu nous berces un
peu, nous allons répandre des parfums aussi suaves que ceux de
notre illustre reine.
J'entendis alors le zéphyr qui disait :
Taisez-vous, vous n'êtes que des enfants du Nord. Je veux
bien causer un instant avec vous, mais n'ayez pas l'orgueil de vous
égaler à la reine des fleurs.
Cher zéphyr, nous la respectons et nous l'adorons, répondirent
les fleurs de l'églantier ; nous savons comme les autres fleurs
du jardin en sont jalouses. Elles prétendent qu'elle n'est rien
de plus que nous, qu'elle est fille de l'églantier et ne doit
sa beauté qu'à la greffe et à la culture. Nous
sommes des ignorantes et ne savons pas répondre. Dis-nous, toi
qui es plus ancien que nous sur la terre, si tu connais la véritable
origine de la rose.
Je vous la dirai, car c'est ma propre histoire ; écoutez-la,
et ne l'oubliez jamais.
Et le zéphyr raconta ceci :
Au temps où les êtres et les choses de l'univers
parlaient encore la langue des dieux, j'étais le fils aîné
du roi des orages. Mes ailes noires touchaient les deux extrémités
des plus vastes horizons, ma chevelure immense s'emmêlait aux
nuages. Mon aspect était épouvantable et sublime, j'avais
le pouvoir de rassembler les nuées du couchant et de les étendre
comme un voile impénétrable entre la terre et le soleil.
Longtemps je régnai avec mon père et mes frères
sur la planète inféconde. Notre mission était de
détruire et de bouleverser. Mes frères et moi, déchaînés
sur tous les points de ce misérable petit monde, nous semblions
ne devoir jamais permettre à la vie de paraître sur cette
scorie informe que nous appelons aujourd'hui la terre des vivants. J'étais
le plus robuste et le plus furieux de tous. Quand le roi mon père
était las, il s'étendait sur le sommet des nuées
et se reposait sur moi du soin de continuer l'oeuvre de l'implacable
destruction. Mais, au sein de cette terre, inerte encore, s'agitait
un esprit, une divinité puissante, l'esprit de la vie, qui voulait
être, et qui, brisant les montagnes, comblant les mers, entassant
les poussières, se mit un jour à surgir de toutes parts.
Nos efforts redoublèrent et ne servirent qu'à hâter
l'éclosion d'une foule d'êtres qui nous échappaient
par leur petitesse ou nous résistaient par leur faiblesse même
; d'humbles plantes flexibles, de minces coquillages flottants prenaient
place sur la croûte encore tiède de l'écorce terrestre,
dans les limons, dans les eaux, dans les détritus de tout genre.
Nous roulions en vain les flots furieux sur ces créations ébauchées.
La vie naissait et apparaissait sans cesse sous des formes nouvelles,
comme si le génie patient et inventif de la création eût
résolu d'adapter les organes et les besoins de tous les êtres
au milieu tourmenté que nous leur faisions.
Nous commencions à nous lasser de cette résistance passive
en apparence, irréductible en réalité. Nous détruisons
des races entières d'êtres vivants, d'autres apparaissaient
organisés pour nous subir sans mourir. Nous étions épuisés
de rage. Nous nous retirâmes sur le sommet des nuées pour
délibérer et demander à notre père des forces
nouvelles.
Pendant qu'il nous donnait de nouveaux ordres, la terre un instant délivrée
de nos fureurs se couvrit de plantes innombrables où des myriades
d'animaux, ingénieusement conformés dans leurs différents
types, cherchèrent leur abri et leur nourriture dans d'immenses
forêts ou sur les flancs de puissantes montagnes, ainsi que dans
les eaux épurées de lacs immenses.
Allez, nous dit mon père, le roi des orages, voici la
terre qui s'est parée comme une fiancée pour épouser
le soleil. Mettez-vous entre eux. Entassez les nuées énormes,
mugissez, et que votre souffle renverse les forêts, aplanisse
les monts et déchaîne les mers. Allez, et ne revenez pas,
tant qu'il y aura encore un être vivant, une plante debout sur
cette arène maudite où la vie prétend s'établir
en dépit de nous.
Nous nous dispersâmes comme une semence de mort sur les deux hémisphères,
et moi, fendant comme un aigle le rideau des nuages, je m'abattis sur
les antiques contrées de l'extrême Orient, là où
de profondes dépressions du haut plateau asiatique s'abaissant
vers la mer sous un ciel de feu, font éclore, au sein d'une humidité
énergique, les plantes gigantesques et les animaux redoutables.
J'étais reposé des fatigues subies, je me sentais doué
d'une force incommensurable, j'étais fier d'apporter le désordre
et la mort à tous ces faibles qui semblaient me braver. D'un
coup d'aile, je rasais toute une contrée ; d'un souffle, j'abattais
toute une forêt, et je sentais en moi une joie aveugle, enivrée,
la joie d'être plus fort que toutes les forces de la nature.
Tout à coup un parfum passa en moi comme par une aspiration inconnue
à mes organes, et, surpris d'une sensation si nouvelle, je m'arrêtai
pour m'en rendre compte. Je vis alors pour la première fois un
être qui était apparu sur la terre en mon absence, un être
frais, délicat, imperceptible, la rose !
Je fondis sur elle pour l'écraser. Elle plia, se coucha sur l'herbe
et me dit :
Prends pitié ! je suis si belle et si douce ! respire-moi,
tu m'épargneras.
Je la respirai et une ivresse soudaine abattit ma fureur. Je me couchai
sur l'herbe et je m'endormis auprès d'elle.
Quand je m'éveillai, la rose s'était relevée et
se balançait mollement, bercée par mon haleine apaisée.
Sois mon ami, me dit-elle. Ne me quitte plus. Quand tes ailes
terribles sont pliées, je t'aime et te trouve beau. Sans doute
tu es le roi de la forêt. Ton souffle adouci est un chant délicieux.
Reste avec moi, ou prends-moi avec toi, afin que j'aille voir de plus
près le soleil et les nuages.
Je mis la rose dans mon sein et je m'envolai avec elle. Mais bientôt
il me sembla qu'elle se flétrissait ; alanguie, elle ne pouvait
plus me parler ; son parfum, cependant, continuait à me charmer,
et moi, craignant de l'anéantir, je volais doucement, je caressais
la cime des arbres, j'évitais le moindre choc. Je remontai ainsi
avec précaution jusqu'au palais de nuées sombres où
m'attendait mon père.
Que veux-tu ? me dit-il, et pourquoi as-tu laissé debout
cette forêt que je vois encore sur les rivages de l'Inde ? Retourne
l'exterminer au plus vite.
Oui, répondis-je en lui montrant la rose, mais laisse-moi
te confier ce trésor que je veux sauver.
Sauver ! s'écria-t-il en rugissant de colère ;
tu veux sauver quelque chose ?
Et, d'un souffle, il arracha de ma main la rose, qui disparut dans l'espace
en semant ses pétales flétries.
Je m'élançai pour ressaisir au moins un vestige ; mais
le roi, irrité et implacable, me saisit à mon tour, me
coucha, la poitrine sur mon genou, et, avec violence, m'arracha mes
ailes, dont les plumes allèrent dans l'espace rejoindre les feuilles
dispersées de la rose.
Misérable enfant, me dit-il, tu as connu la pitié,
tu n'es plus mon fils. Va-t'en rejoindre sur la terre le funeste esprit
de la vie qui me brave, nous verrons s'il fera de toi quelque chose,
à présent que, grâce à moi, tu n'es plus
rien.
Et, me lançant dans les abîmes du vide, il m'oublia à
jamais.
Je roulai jusqu'à la clairière et me trouvai anéanti
à côté de la rose, plus riante et plus embaumée
que jamais.
Quel est ce prodige ? Je te croyais morte et je te pleurais.
As-tu le don de renaître après la mort ?
Oui, répondit-elle, comme toutes les créatures
que l'esprit de vie féconde. Vois ces boutons qui m'environnent.
Ce soir, j'aurai perdu mon éclat et je travaillerai à
mon renouvellement, tandis que mes soeurs te charmeront de leur beauté
et te verseront les parfums de leur journée de fête. Reste
avec nous ; n'es-tu pas notre compagnon et notre ami ?
J'étais si humilié de ma déchéance, que
j'arrosais de mes larmes cette terre à laquelle je me sentais
à jamais rivé. L'esprit de la vie sentit mes pleurs et
s'en émut. Il m'apparut sous la forme d'un ange radieux et me
dit :
Tu as connu la pitié, tu as eu pitié de la rose,
je veux avoir pitié de toi. Ton père est puissant, mais
je le suis plus que lui, car il peut détruire et, moi, je peux
créer.
En parlant ainsi, l'être brillant me toucha et mon corps devint
celui d'un bel enfant avec un visage semblable au coloris de la rose.
Des ailes de papillon sortirent de mes épaules et je me mis à
voltiger avec délices.
Reste avec les fleurs, sous le frais abri des forêts, me
dit la fée. A présent, ces dômes de verdure te cacheront
et te protégeront. Plus tard, quand j'aurai vaincu la rage des
éléments, tu pourras parcourir la terre, où tu
seras béni par les hommes et chanté par les poètes.
- Quant à toi, rose charmante qui, la première as su désarmer
la fureur par la beauté, sois le signe de la future réconciliation
des forces aujourd'hui ennemies de la nature. Tu seras aussi l'enseignement
des races futures, car ces races civilisées voudront faire servir
toutes choses à leurs besoins. Mes dons les plus précieux,
la grâce, la douceur et la beauté risqueront de leur sembler
d'une moindre valeur que la richesse et la force. Apprends-leur, aimable
rose, que la plus grande et la plus légitime puissance est celle
qui charme et réconcilie. Je te donne ici un titre que les siècles
futurs n'oseront pas t'ôter. Je te proclame reine des fleurs ;
les royautés que j'institue sont divines et n'ont qu'un moyen
d'action, le charme.
Depuis ce jour, j'ai vécu en paix avec le ciel, chéri
des hommes, des animaux et des plantes ; ma libre et divine origine
me laisse le choix de résider où il me plaît mais
je suis trop l'ami de la terre et le serviteur de la vie à laquelle
mon souffle bienfaisant contribue, pour quitter cette terre chérie
où mon premier et éternel amour me retient. Oui mes chères
petites, je suis le fidèle amant de la rose et par conséquent
votre frère et votre ami".
En ce cas, s'écrièrent toutes les petites roses
de l'églantier, donne-nous le bal et réjouissons-nous
en chantant les louanges de madame la reine, la rose à cent feuilles
de l'Orient.
Le zéphyr agita ses jolies ailes et ce fut au-dessus de ma tête
une danse effrénée, accompagnée de frôlements
de branches et de claquement de feuilles en guise de timbales et de
castagnettes : il arriva bien à quelques petites folles de déchirer
leur robe de bal et de semer leurs pétales dans mes cheveux ;
mais elles n'y firent pas attention et dansèrent de plus belle
en chantant :
Vive la belle rose dont la douceur a vaincu le fils des orages
! vive le bon zéphyr qui est resté l'ami des fleurs !
Quand je racontai à mon précepteur ce que j'avais entendu,
il déclara que j'étais malade et qu'il fallait m'administrer
un purgatif. Mais ma grand'mère m'en préserva en lui disant
:
Je vous plains si vous n'avez jamais entendu ce que disent les
roses. Quant à moi, je regrette le temps où je l'entendais.
C'est une faculté de l'enfance. Prenez garde de confondre les
facultés avec les maladies !