Barbe Bleue Illustration par Walter Crane D'après le conte de Charles Perrault |
Il
était une fois un homme fort riche qui devait partir en voyage daffaire.
Avant son départ, afin que sa nouvelle femme puisse se divertir pendant
son absence, il lui-dit : Voici les clés des garde-meubles, celle de la vaisselle dor et dargent, celles de mes coffres-forts et de mes cassettes où sont l'or et les pierreries, voici le passe-partout. Cette petite clé est celle du cabinet de lappartement bas : ouvrez tout, allez partout, mais pour ce petit cabinet, je vous défends dy entrer. Sil vous arrivait d'en ouvrir la porte, il ny à rien que vous ne devriez attendre de ma colère. Cet homme avait une barbe bleue qui le rendait terrible, sa femme promit dobserver exactement ce quil venait dordonner. |
Elle invita ses voisines et ses bonnes amies à venir voir toutes les richesses de la maison. Les voilà à parcourir, émerveillées, les chambres, les cabinets, les garde-robes et les garde-meubles. Toutes ces dames s'amusaient beacoup, sauf la jeune femme qui était impatiente daller ouvrir le cabinet de lappartement bas. Elle quitta sa compagnie et y descendit par un petit escalier dérobé. | Devant le cabinet, elle ne put résister à la tentation. Malgré l'interdiction de son mari, elle prit la petite clé et ouvrit en tremblant la porte. Dabord, elle ne vit rien parce que les fenêtres étaient fermées ; après un moment elle vit que le plancher était couvert de sang, puis elle aperçut les corps de plusieurs femmes mortes et attachées le long des murs (c'était toutes les femmes que la Barbe Bleue avait épousées). Elle pensa mourir de peur, et la clé qu'elle venait de retirer de la serrure lui tomba de la main. Elle la ramassa, referma la porte et monta à sa chambre. Ayant remarqué que la clé était tachée de sang, elle l'essuya deux ou trois fois, rien à faire, il y demeura toujours du sang car la clef était Fée. | La
Barbe bleue revint de son voyage dès le soir même. Le lendemain
il lui redemanda les clefs, et elle les lui donna, mais d'une main si tremblante,
qu'il devina sans peine tout ce qui s'était passé. Pourquoi y a-t-il du sang sur cette clef ? Je n'en sais rien, répondit la pauvre femme, plus pâle que la mort. Vous n'en savez rien, reprit la Barbe bleue, je le sais bien, moi ; vous avez voulu entrer dans le cabinet ! Hé bien, Madame, vous y entrerez, et irez prendre votre place auprès des Dames que vous y avez vues. |
Elle
se jeta aux pieds de son Mari, en pleurant et en lui demandant pardon. Mais
la Barbe bleue avait le cur plus dur qu'un rocher : Il faut mourir, Madame, lui dit-il, et tout à l'heure. Puisqu'il faut mourir, répondit-elle, en le regardant, les yeux baignés de larmes, donnez-moi un peu de temps pour prier Dieu. Je vous donne un quart d'heure. Lorsqu'elle fut seule, elle appela sa sur, et lui dit : Ma sur Anne, monte, sur le haut de la Tour, pour voir si mes frères ne viennent point ; ils m'ont promis qu'ils viendraient me voir aujourd'hui, et si tu les vois, fais-leur signe de se hâter. |
La
sur Anne monta sur le haut de la Tour, et la pauvre affligée
lui criait de temps en temps : Anne, ma sur Anne, ne vois-tu rien venir ? Et sa sur lui répondait : Je ne vois rien que le Soleil qui poudroie, et l'herbe qui verdoie. Descends donc vite, criait la Barbe bleue, ou je monterai là-haut. Je m'en vais, répondait-elle, et puis elle criait : Anne, ma sur Anne, ne vois-tu rien venir ? Je vois, répondit la sur, une grosse poussière qui vient de ce côté-ci. Sont-ce mes frères ? Hélas ! non, ma sur, c'est un Troupeau de Moutons. |
Cependant la Barbe
bleue, tenant un grand couteau à la main, criait de toute sa force
à sa femme : |
Ne veux-tu
pas descendre ? criait-il. |
Dans
ce moment on heurta si fort à la porte, que la Barbe bleue s'arrêta
tout court : on ouvrit, et aussitôt on vit entrer deux Cavaliers qui,
mettant l'épée à la main, coururent droit à
la Barbe bleue. Les deux frères lui passèrent leur épée
au travers du corps, et le laissèrent mort. La pauvre femme était presque aussi morte que son Mari, elle se releva tout de même pour embrasser ses Frères. |
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