La
gardeuse d'oies,
conte des frères Grimm Illustration par Charles Robinson |
Il
était une fois, une Reine qui avait une très jolie fille.
Cette fille étant en âge de se marier et fiancée au
Prince dun royaume lointain, lorsque le jour du départ arriva,
la Reine qui chérissait son enfant de tout son cur, remplit
une malle pour la dot royale, de toutes sortes de vaisselles précieuses,
de parures, dor et dargent, de bijoux et de coupes. Elle lui
donna un cheval qui sappelait Fadala ; il savait parler ! Elle lui
donna aussi une camériste qui devait laccompagner et la remettre
entre les mains de son fiancé. Quand arriva le moment des adieux,
la Reine monta dans sa chambre, avec une lame dor, elle se coupa le
doigt et sur un mouchoir blanc, laissa tomber trois gouttes de sang ; après
quoi elle le donna à sa fille en lui disant : Garde bien ce mouchoir, tu pourrais en avoir besoin sur la route. La princesse plaça le présent magique de sa mère la Reine dans son corsage, et |
elles
se firent tristement leurs adieux. Après avoir chevaucher une heure par une grande chaleur, la Princesse ressentit une grande soif. Elle demanda à sa camériste de lui puiser de leau, avec sa coupe, dans le ruisseau quelle traversait. La camériste lui répondit avec beaucoup darrogance : Si vous avez soif, descendez vous-même, mettez vous au bord du ruisseau et buvez. Je ne veux pas être votre servante. La Princesse qui était humble descendit de cheval, se pencha au bord de leau et soupira : Ah ! ma bonne Mère. Les trois gouttes de sang répondirent : Si ta Mère savait cela, son cur se briserait en éclats. Et tandis quelle buvait en se penchant en avant, le mouchoir avec les trois gouttes de sang tomba de son corsage, et sans quelle sen aperçut, sen alla au fil de leau. |
La
camériste, elle avait tout vu et tout à la joie de tenir la
Princesse en son pouvoir (celle-ci ayant perdu le mouchoir avec les trois
goutte de sang étant devenue faible et impuissante) elle lui ordonna
de déchanger leurs vêtements. La Princesse dut enlever
sa parure royale pour mettre les hardes de la camériste. Puis cette
dernière dit : Fadala est pour moi, pour toi, il y a ma mule. Il fallut que la Princesse se soumette car la camériste menaçait de la tuer. Enfin, elle du fait le serment de ne rien dire à personne à la cour du Roi. Mais le bon Fadala qui avait tout vu se promit de ne rien oublier. La camériste sur Fadala et la vraie fiancée sur la mule, elles continuèrent ainsi jusqu'au château royal. |
Lorsquelles
arrivèrent au château royal, il y eut une grande liesse. Le
Prince se précipita à leur rencontre, il fit descendre la
camériste de cheval et la prit pour sa future épouse, il lui
donna la main pour monter lescalier, tandis que la vraie Princesse
restait en bas. Le Roi qui était à sa fenêtre la vit sarrêter dans la cour ; et comme elle était très belle, délicate et gracieuse, il demanda à la fiancée qui était celle sui laccompagnait. Cest une fille que jai prise en route pour me tenir compagnie ; donnez-lui de louvrage afin quelle ne reste pas oisive. Le Roi réfléchit et ne sachant que faire, il dit : Elle ira aider le petit Conrad qui garde les oies. Après cela, la fausse fiancée demanda au Prince de faire appeler léquarrisseur afin quil coupât la tête du cheval sur lequel elle était venue car il lavait contrariée sur |
le
chemin. Elle craignait que Fadala ne révélât la façon
dont elle avait traité la Princesse. Elle insista tant que Fadala
dut mourir. La Princesse ayant appris la triste fin du pauvre malheureux,
promit à léquarrisseur de lui payer une pièce
dargent sil voulait bien clouer la tête du cheval sous
la porte sombre où elle devait passer matin et soir avec ses oies,
afin quelle pût le voir encore plus quune fois. Léquarrisseur
promit, coupa la tête de Fadala et la cloua solidement sous la porte
sombre. Lorsquelle passa sous la porte avec ses oies et le petit Conrad, elle dit : Ô Fadala, comme tu es cloué là. Alors, la tête répondit : Ô jeune Reine, comme tu vas là ; Si ta Mère savait cela Son cur se briserait en éclats. Elle sortit de la ville en silence, ils menèrent les oies paître dans la campagne. |
Quand
ils furent arrivés au pré, elle sassit et dénoua
ses cheveux pour les peigner. Ils étaient dor pur et le petit
Conrad qui les vit eut envie de lui en prendre quelques-uns. Alors, elle
dit : Souffle, souffle, ventelet. Ôte à Conrad son bonnet Et fais-le courir après Le temps que je peigne mes nattes Et que je remette ma coiffe. Un vent violent se leva qui emporta le bonnet du petit Conrad. Le temps que celui-ci le rattrape, à travers les champs, elle avait fini de se peigner et de remettre sa coiffe. Il ne put lui prendre aucun cheveu. Alors, le petit Conrad en fut fâché et il ne lui parla plus. Ils gardèrent ainsi les oies jusquau soir et ils rentrèrent à la maison. |
Au
château, le petit Conrad alla trouver le Roi et lui dit : Je ne veux plus garder les oies avec cette fille. Pourquoi donc ? demanda le Roi. Le matin, quand nous passons avec le troupeau sous la porte sombre, il y a une tête de cheval clouée sur le mur à qui elle dit : Ô Fadala, comme tu es cloué là. Et la tête lui répond : Ô jeune Reine, comme tu vas là ; Si ta Mère savait cela Son cur se briserait en éclats. Et le petit Conrad raconte tout ce qui sétait passé dans le pré et comment il avait dû courir après son bonnet. Le Roi lui ordonna de mener encore paître les oies le lendemain, et lui-même, le matin venu se posta près de la porte sombre et il entendit la gardienne parler avec la tête de Fadala. Puis il les suivit dans la campagne, il se cacha dans un |
buisson
au bord du pré ; et il vit la gardeuse doie défaire
ses cheveux qui brillaient dun grand éclat et il entendit : Souffle, souffle, ventelet. Ôte à Conrad son bonnet Et fais-le courir après Le temps que je peigne mes nattes Et que je remette ma coiffe. Il sentit le vent et vit le bonnet du petit Conrad senvoler. Ce dernier courut longtemps après, le temps que la jeune fille coiffe tranquillement ses cheveux. Le soir, quand la gardeuse doie fut au logis, il la prit à part et lui demanda pourquoi elle se conduisait de la sorte. Je nai pas le droit de vous le dire, jen ai fait serment face au ciel, autrement, jaurais dû mourir. Il insista en vain. Elle ne voulait rien dire. - Hé bien, dit le Roi, si tu ne peux me parler à moi, confie-toi à ce poêle. |
Et
il sen alla. La jeune fille se glissa dans le poêle et en larme, elle lui confia sa peine : Me voilà abandonnée de tout le monde et pourtant je suis fille de Roi. Une camériste perfide ma volé mes habits royaux et elle a pris ma place auprès de mon fiancé, tandis que je dois garder des oies. Si ma Mère savait cela, son cur se briserait en éclats. Le Roi qui se tenait à lextrémité du tuyau entendit tout ce quelle venait de dire. Alors, il lui fit donner des habits royaux. Puis il appela son fils et lui révéla que celle quil prenait pour sa fiancée était, en fait, une camériste, la vraie Princesse était là sous ses yeux belle comme le jour, lancienne gardeuse doies. Le Prince se réjouit de tout son cur en voyant sa beauté et sa vertu. On ordonna un grand festin auquel fut convié toute la Cour. Le Fiancé était assis au bout de la table |
avec
la Princesse dun côté et la camériste qui navait
pas reconnu sa maîtresse. Quand ils eurent mangé et bu et se
sentant plein dentrain, le Roi demanda à la camériste
quelle punition méritait celle qui trompait son maître, se
faisant passer pour une autre. La fausse fiancée répondit
: Elle ne mérite rien de mieux que dêtre mise toute nue dans un tonneau garni de clous pointus attelé à deux chevaux blancs qui la traîneront de rue en rue jusquà ce que mort sen suive. Cest de toi quil sagit, dit le Roi, tu viens de prononcer ta propre sentence et il tadviendra ce que tu as dit. Alors, le jeune Roi peu épouse sa vraie fiancée, et tous deux gouvernèrent leur royaume dans la paix et la félicité. |
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